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Comme à chaque édition de la FAV, la conférence proposée par le Crédit Agricole Alsace Vosges a connu un grand succès, tant par son sujet que par le conférencier invité et le nombre de participants.

« Les nouvelles tendances de consommation du vin », un sujet plus que d’actualité après 2 ans de Covid qui ont fortement modifiés les habitudes d’achat des boissons alcoolisées. Le conférencier, Jean-Marie Cardebat est au fait des tendances de consommation du vin tant du point de vu national qu’international, en effet il dirige la Chair Vin et Spiritueux à l’INSEEC Grande Ecole, est membre de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin) et de plusieurs organismes internationaux tels que l’AAWE (American Association of Wine Economists), ou le Wine Economics Research Center (Australie)…

Jean-Marie Cardebat démarre son intervention en expliquant que le vin français n’est pas un produit comme les autres, c’est un produit complexe tant dans sa production que dans les attentes des consommateurs et dans sa perception par ceux-ci.

Quel autre produit peut se revendiquer d’être :

  • Un produit agricole
  • Un produit artisanal avec une relation au terroir et à l’authenticité
  • Un produit industriel par sa dimension marketing et sa présence dans les supermarchés
  • Un produit de luxe, même les autres pays producteurs de vins se sont appropriés cette dimension qui est une locomotive pour la filière d’un pays ou d’une région
  • Un bien culturel avec sa dimension historique
  • Un actif financier, un actif alternatif comme l’art, on achète du vin pour le revendre sans jamais voir la bouteille

La consommation de vin connait des changements importants entre le 20ème et le 21ème siècle. Les pays historiquement consommateurs de bières glissent vers la consommation de vin tel que le Royaume-Uni et inversement pour des pays producteurs et consommateurs de vin comme l’Espagne où la bière ne cesse de prendre de parts de marchés.

La consommation de vin se mondialise, les pays comme la Chine ou les USA boivent de plus en plus de vins contrairement à l’Union Européenne, et paradoxalement l’achat de vin est de plus en plus local qu’au siècle dernier.

Le profil des consommateurs a également changé, de plus en plus de femmes et de jeunes se tournent vers le vin. 

Le 21ème siècle connait une popularisation des vins qui avaient une image élitiste, popularisation possible grâce aux applications et à la multiplication de réseaux d’informations sur les vins. De plus la fréquence de consommation diminue et glisse d’une consommation de repas vers une consommation de moments diversifiés comme un rafraîchissement en journée, les apéros ou la consommation festive hors repas.

Synthèse des grandes tendances héritées du 20ème siècle :

  • Le bio
  • Le local et la proximité (développement des clubs qui recherchent le lien au producteur)
  • Le changement du type de vin consommé, moins de rouges, plus de bulles, moins de sucres et vins plus digestes
  • Plus de diversité dans les vins avec le développement dans le packaging
  • Développement du e-commerce
  • La montée en gamme avec la premiumisation (la France est leader à l’export sur le segment premium)

Deux grandes tendances de consommations se profilent pour l’avenir.

  1. L’expérience client

Actuellement il faut offrir une expérience de consommation, le consommateur est volatile, face à la multiplication des boissons il passe facilement de l’une à l’autre. De plus les autres alcools récupèrent les codes du vin comme par exemple les bières artisanales. Tout comme les moments de consommation sont devenus concurrentiels entre les vins et les autres boissons : les hard seltzer pour l’apéritif, les accords mets/bières pour le repas.

Tout est brouillé, segmenter le marché devient complexe, c’est pourquoi il faut raisonner l’expérience de consommation (qui, quand, où), en faire un moment unique. C’est la raison pour laquelle l’outil digital devient important, pourquoi ne pas vendre par exemple une œuvre d’art virtuelle unique avec le vin ?

A quand le vin purement virtuel ? Un Dom Pérignon virtuel (NFT Non-Fungible Token ou actifs non fongibles) a déjà été vendu pour permettre à l’avatar d’un consommateur de faire la fête.

Les NFT sont des types relativement nouveaux d’actifs numériques conçus pour représenter la propriété de quelque chose d’unique et de rare, le vin est le produit idéal pour ça. Mais il ne faut pas oublier l’authenticité du vigneron qui participe à l’expérience unique du consommateur.

  1. Le consommateur critique de vin.

Le 21ème siècle connait une révolution de l’expertise, on bascule des revues avec les critiques d’experts au digital avec des applications comme Vivino où les pairs (consommateurs) deviennent la première source d’information. Cette bascule vers le digital élargit le champ des informations. Les notes des pairs déclenchent l’achat de vin, actuellement l’impact de ces notes représente le double des notes des experts.

Conséquence beaucoup plus de vins seront évalués.

C’est pourquoi il est important pour les vignerons d’animer les réseaux sociaux et d’avoir une réelle story telling bien ciblée. L’abondance des données sur le web nourrit des algorithmes de conseils d’achats et des algorithmes de juste prix, qui fait ressortir quelques vins qui devront être vendus au juste prix. Il sera difficile pour les vignerons de vendre au-dessus du prix de vente conseillé.

Jean-Marie Cardebat clôture son intervention en rappelant que pour vendre du vin il faut une économie favorable car le marché du vin est très lié à la conjoncture économique, en période d’inflation les ventes de vin baissent car il n’est pas un produit essentiel. Les ventes de vin sont proportionnelles au ralentissement de la croissance, de plus les barrières administratives ne favorisent pas les ventes à l’export. 

Dans la conjoncture actuelle faut-il réduire la production ? Non, tant qu’il n’y a pas de déséquilibre entre l’offre et la demande car il faut continuer à fournir les marchés car la substitution du vin par une autre boisson est facile et une fois un marché perdu il est difficile de le récupérer. Il est essentiel d’avoir une bonne gestion des stocks.

Il est bien conscient qu’au vu de la taille des exploitations alsaciennes, il est difficile d’aller dans la digitalisation. Dans le système des 3V (Vigne – Vin – Vente) les USA sont dans le schéma Vin – Vente, et la France Vigne – Vin, il faut développer le troisième V en conservant l’authenticité, développant l’expérience client et devenir « un guide pour accompagner le client dans un voyage émotionnel et sensitif autour du vin et de son histoire. La clef sera de savoir bâtir une communauté avec les outils actuels de digitalisation et de virtualisation permettant d’enrichir cette expérience client ».

Suite à des questions du public Jean-Marie Cardebat a expliqué qu’il est préférable de faire des vins authentiques car l’authenticité est plus encrée tout en les modernisant, ce qui n’empêche pas de produire des vins originaux pour une gamme ou suivant le marché visé. Et malheureusement le législateur influence la consommation de vins par son intervention en profondeur dans les ventes et la communication des alcools.

Cette conférence était bien trop courte pour aborder un sujet d’actualité dans le contexte économique actuel.