Reichsfeld à la mi-février 2021

Après notre visite estivale chez Arthur et Bernard Bohn (en août 2020), quelques membres du club AOC ont eu envie de profiter du retour du soleil pour organiser une petite sortie hivernale chez ces vignerons de Reichsfeld, qui produisent une gamme de vins originale et qualitative sur les beaux terroirs schisteux et gréseux qui entourent ce village situé en fond de vallée au pied de l’Ungersberg.

Hoppla, c’est parti !

Même si les dégustations au domaine Bohn durent toujours très longtemps – la faute à une gamme de vins conséquente présentée et servie par des vignerons enthousiastes et généreux – et malgré une contrainte horaire stricte due à la règle du couvre-feu, nous choisissons quand même de prendre un peu de temps pour se promener sur les coteaux de Reichsfeld… histoire de profiter d’une météo particulièrement clémente et d’un paysage viticole de toute beauté.

Petite présentation préliminaire par Arthur des différents types de roches qu’on retrouve autour de Reichsfeld : du grès, de la roche volcanique, du schiste de Steige, du schiste de Villé et du quartz.

Promenade dans le vignoble de Reichsfeld…

…avec Arthur qui nous décrit le terroir du Schieferberg.

L’Oberhagel, un lieu-dit très pentu et hautement qualitatif sur le Schieferberg

Les vieux chênes enracinés dans la roche schisteuse du Schieferberg…

…et des pieds de vignes sur une parcelle très caillouteuse de l’Oberhagel.

Après cette belle promenade très instructive entre les parcelles de vignes du domaine Bohn, il est temps de passer aux travaux pratiques en dégustant quelques vins au caveau.

La table de dégustation du caveau avec une belle collection de minéraux

Comme toujours, Arthur nous propose une dégustation presque exhaustive de la gamme de vins du domaine… je vais donc essayer de limiter mes commentaires aux cuvées que je n’ai pas goûtées lors de ma visite précédente ainsi qu’à celles dont le profil à évolué depuis l’été dernier.

  • Alsace En Vrac 2019 : nez discret mais très fin sur les agrumes frais, bouche longiligne et tonique, finale salivante et bien glissante avec un joli retour aromatique sur le pomelo et le gingembre.

Cette création signée « Arthur » est réalisée à partir de jus de sylvaners et de rieslings de 2017 et 2018, qui ont fermenté sous l’effet de levures indigènes avant d’être élevés durant au moins 2 ans sur lies. Cette cuvée d’entrée de gamme est un vin de soif et de convivialité qui pourra être dégusté à l’apéritif ou avec des poissons grillés… et peut-être même en accompagnement d’un plateau de charcuteries alsaciennes.

  • Sylvaner Vieilles Vignes 2018 : aromatique fine et délicate sur l’amande amère, le tilleul et l’herbe sèche, bouche étirée très élégante avec un jus assez consistant et une finale minérale bien salivante.

Issue de plusieurs parcelles de vignes d’âge vénérable (entre 50 et 100 ans) plantées sur des terroirs de schistes et de grès, cette superbe cuvée de sylvaner nous rappelle une fois de plus que ce cépage peut produire des vins de très haute tenue en Alsace. MIAM !

  • Riesling Schieferberg 2014 : nez très élégant, notes de miel de forêt et d’herbes aromatiques sur un fond pierreux, bouche longiligne, tendue par une arête acide bien solide, finale droite et marquée par une profonde minéralité.

Ce premier riesling du Schiferberg commence sa phase de plénitude en nous emmenant dans l’univers sensoriel particulier des vins de schistes : c’est un vin de pierre et de temps qui va encore évoluer favorablement durant de longues années.

  • Riesling Grand Cru Muenchberg 2013 : nez complexe sur le citron frais et le pamplemousse sur un fond fumé/iodé, bouche élégante avec un jus étiré mais bien concentrée relevé par une belle salinité, finale longue et tendue, marquée par une profonde minéralité.
  • Riesling Grand Cru Muenchberg 2017 : nez fin et racé avec de très belles notes balsamiques (camphre et santal) et citronnées, jus consistant avec une petite mâche tannique très agréable, salinité intense, finale très sapide qui prolonge de belles nuances minérales et fumées.

Cette vigne de 80 ans située à la limite ouest de l’amphithéâtre du Muenchberg permet au domaine Bohn de présenter un Grand Cru alsacien dans leur offre vinique.

Jusqu’ici, j’avoue avoir eu un peu de mal à apprécier cette cuvée – sans pour autant douter de sa qualité intrinsèque – mais ce 2017 confirme vraiment les belles sensations ressenties l’année passée… c’est super bon !

  • Riesling Schieferberg-Elevé en barrique d’acacia 2017 : nez fin et complexe, palette citronnée et florales avec de fines touches boisées, bouche charnue avec un joli gras mais équilibre bien droit, finale longue et très digeste.

Alliance équilibrée entre la rigueur minérale du schiste et la douceur due à son élevage particulier, ce riesling certes un peu atypique reste une valeur sûre du domaine Bohn. MIAM !

  • Vin de France Char’Bohnais 2016 : nez ouvert et séduisant, notes d’amande grillée, de beurre noisette et de bois de réglisse, bouche très élégante, équilibre sec mais avec du gras, finale fraîche et bien sapide.

Le « hors la loi » historique du domaine Bohn se goûte toujours aussi bien en assumant pleinement un style bourguignon bien maîtrisé.

Vin de France Souvigner Gris 2019 : nez agréable avec une palette aromatique très originale et assez difficile à décrire, bouche juteuse et bien fraîche, finale vive et sapide.

Le cépage unique de cette cuvée est né d’une hybridation de cabernet sauvignon et de bronner (un cépage de cuve allemand) et la famille Bohn le cultive sur une parcelle de schistes sans aucun traitement. Le résultat final est un vin étonnant qui nous emmène assez loin des canons esthétiques alsaciens… mais c’est aussi pour ça que j’aime ce domaine !

Pinot Gris Schieferberg par Nathur 2019 : nez délicat sur la noisette et les fleurs blanches, bouche très charmeuse qui développe de beaux arômes de pralin, équilibre sec avec du gras, finale tonique et salivante.

Issu d’une vinification « nature » très bien conduite cette cuvée de pinot gris se livre avec une belle gourmandise dès aujourd’hui.

Schieferberg Zéro 2019 : nez complexe avec des notes de griotte et de noyau sur un fond floral délicat, bouche juteuse et finement tannique tenue par une acidité mûre et large, finale très sapide.

Réalisée à partir d’un assemblage de pinots gris et de rieslings nés sur des terroirs de schistes, cette cuvée de macération (1 mois de macération) commence à se mettre en place en laissant deviner un très beau caractère gastronomique.

Alsace Le Coup de Jus 2019 : nez frais et charmeur, notes de groseille et de cerise rouge sur un fond d’orange sanguine, bouche fraîche et gourmande, finale bien gouleyante avec un joli retour fruité. 

Cette nouvelle cuvée réalisée avec un assemblage d’un jus blanc de pinot gris et de riesling infusé avec du pinot noir et travaillé sans intrants et sans filtration est un rosé original qui associe une belle vinosité et parfaite buvabilité pour notre plus grand plaisir.

Pinot Noir Les Roches Rouges 2016 : nez ouvert et très fin avec de beaux arômes de fruits rouges frais et d’épices, bouche déliée avec un jus fruité bien gourmand avec des tanins veloutés, équilibre très harmonieux, finale fraîche et sapide.

A côté d’un superbe 2015 (goûté l’année dernière) et d’un 2013 tout aussi réussi (goûté en 2018), ce 2016 tient parfaitement sa place : cet assemblage de pinots noirs nés sur des terroirs de grès (dominant) et de schiste, élevé durant 14 mois en barriques anciennes, justifie pleinement sa place dans ma sélection personnelle des meilleurs vins rouges alsaciens. MIAM !

Muscat Rose 2017 : nez exubérant sur la rose fraîche (un peu savon Cadum), bouche suave et tonique, équilibre bien gouleyant, finale sapide avec un beau retour floral et épicé.

Même si sa belle teinte rosée peut tromper son expression aromatique ne laisse vraiment aucun doute, c’est bien du muscat… et c’est très bon !

Riesling Schieferberg-Chapelle Oberhagel 2009 : nez intense sur les agrumes mûrs, le santal et la camphre, bouche ample et charnue avec un très beau développement aromatique, finale longue et sapide marquée par des nuances pierreuses et fumées.

Issu d’un millésime chaud ce riesling qui s’approche de son plateau de maturité optimale, impressionne  par la précision de son équilibre entre richesse et minéralité.

C’est un grand vin de terroir prêt pour assumer une très longue garde.

Pinot Gris Schieferberg 2013 : nez très agréable, fruité discret relevé par de belles notes d’herbes aromatiques sur un fond délicatement fumé, bouche suave avec une structure longiligne, finale fraiche et bien sapide.

Pinot Gris Schieferberg 2015 : expression olfactive assez proche du 2013, bouche plus opulente mais avec une présence acide/saline qui lui confère une grande digestibilité, finale minérale et fumée.

Ces cuvées élégantes, raffinées et d’une parfaite buvabilité, nous montrent que le pinot gris est capable de générer de très beaux vins sur des terroirs de schiste… c’est du beau travail, chapeau !

Pour conclure :

Depuis ma première visite en 2012, c’est toujours avec le même plaisir que je vais me promener du côté de Reichsfeld pour saluer l’ami Bernard et son fiston et goûter les dernières créations de ces vignerons qui ont pris la bonne habitude de produire quelques cuvées qui bousculent les codes classiques de l’esthétique alsacienne (OK je recycle mes anciens commentaires mais comme je n’ai rien de mieux à dire…).

J’ai été ravi de pouvoir refaire cette promenade sur les pentes du Schieferberg pour admirer ces paysages magnifiques tout en bénéficiant des commentaires d’Arthur Bohn qui nous a fait partager ses connaissances géologiques et historiques sur Reichsfeld et son vignoble…j’ai bien l’impression que l’ami Bernard a réussi à inoculer le virus des schistes à son fils !

La longue dégustation du jour nous a proposé une série de vins aux profils souvent différents mais travaillés avec une grande exigence pour chercher les équilibres les plus précis et les expressions de terroir les plus authentiques.

Bref, c’est une gamme qui va du vin de soif et de gourmandise jusqu’au vin de pierre et de temps en passant par quelques OVNIS qui ont bénéficié de processus d’élaboration originaux et novateurs… difficile de ne pas trouver « chaussure à son pied » dans cette offre vinique !

Pour ce qui est des coups de cœur du jour, je citerai en premier lieu le superbe riesling Chapelle Oberhagel 2009, un vin arrivé dans sa phase de plénitude, qui nous donne une idée de la qualité de ce grand terroir de schiste.

Comme je m’y attendais, le pinot noir des Roches Rouges 2016 marche dans les traces de la grande cuvée de 2015 mais sera peut-être prête à boire avant son aînée et le riesling Grand Cru Muenchberg 2017 confirme totalement les bonnes impressions ressenties l’année passée, ce n’est pas du schiste mais c’est diablement bon !

Pour terminer, j’ai envie d’attribuer une mention spéciale à la cuvée En Vrac, un joli canon « nature » qui se laisse boire avec une facilité déconcertante et qui est proposé à un prix très doux.

Mille mercis à Arthur et Bernard Bohn pour leur accueil toujours aussi sympathique.

Le Domaine Bohn

Concernant le Domaine Bohn

Article de Pierre Radmacher, vous pouvez le suivre sur son blog Vins, Vignobles et Vignerons

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