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C’est mardi 3 novembre 2015 à Hattstatt au restaurant L’Altevic que nous attendaient Stéphanie et Mathieu Ginglinger, ainsi que le maître des lieux Jean-Christophe Perrin. Nous étions conviés pour un déjeuner et le lancement d’un menu un peu particulier. « L’Altévic » est une vrai création entre deux mondes qui cohabitent souvent en restauration, mais qui pour la première fois se sont mariés. A notre avis c’est une démarche qui devrait inspirer d’autres établissements car bien trop souvent, la restauration ne s’encombre pas trop d’un travail en amont et préfère souvent faire des accords mets et vins trop convenus. Ici il n’en est rien, c’est un vrai travail de passionnés qui se sont unis pour un menu unique et très recherché.
Commençons le repas….
Ce déjeuner débute par un amuse-bouche, un velouté de lentilles et cumin accompagné d’un crémant millésimé de 2009 et dégorgé en 2014.
Le premier plat est composé d’endives fondantes et crues, vinaigrette de mandarine, cubes de pain d’épices, copeaux de foie gras, noix de cajou, accompagné d’un Riesling 2013.
Les endives sont cuites longuement dans un jus d’orange, de citron et un fond de volaille pendant 1h30 pour obtenir de l’amertume fondue. Il y a bien une amertume en fin de bouche mais vraiment pas dérangeante et le foie gras adoucit vraiment le côté agrume citronnée.
Le Riesling est au nez sur les agrumes et un peu fleuri, en bouche il a une superbe acidité. Malgré la jeunesse du vin il faut reconnaître que le peps de ce cépage relève bien l’amertume de l’endive, ce premier accord est vraiment un subtil équilibre car aucun des deux ne domine l’autre.
Suivent ensuite les petits poivrons doux farcis comme une matelote au Riesling, accompagné d’un Riesling Grand Cru Ollwiller 2012.
Sur ce plat Jean-Christophe s’est amusé à mettre un peu de Pays Basque et un petit peu d’Alsace dans une même assiette. La matelote est un plat classique mais le côté piquant (sans être trop présent) du piment réveille justement ce plat très rond.
Le Riesling Grand cru Ollwiller est puissant, il y a de la matière et son côté minéral se marie à merveille avec le côté piquant du plat et rince le palais pour vous préparer à la prochaine bouchée.
Un domaine qui avance…
Mathieu est un viticulteur heureux, jovial, à la tête d’une exploitation familiale qui compte déjà 12 générations, au coeur d’Eguisheim. C’est marié depuis un peu plus de trois ans à Stéphanie, une inconditionnelle du muscat d’Alsace qu’elle promeut à merveille, qu’est arrivé la treizième génération avec le petit Léon.
Il faut reconnaitre que le domaine Pierre-Henri Ginglinger est une belle structure, qui sous l’impulsion de Mathieu est passée de 9 hectares en 2011 à 15 hectares aujourd’hui. En conversion Bio depuis 2001 sur les 9 hectares d’Eguisheim et de Herrlisheim, le domaine achève la certification avec le millésime 2013 sur les 6 hectares de Wuenheim. Le domaine vinifie les sept cépages alsaciens et exploite trois Grands Crus qui sont le Pfersigberg, l’Eichberg, et le Ollwiller. Au niveau des ventes c’est impressionnant de constater que 80 % se font au caveau, 15 % à l’export et 5 % pour la restauration. Présent sur les meilleurs tables d’Eguisheim, au Bristol à Colmar et depuis août sur la carte de L’Altévic.
Nous ne pousserons pas plus loin la présentation du domaine pour en laisser un peu pour un prochain reportage beaucoup plus complet….. eh oui!
Terminons ce repas….
Le troisième plat est une poitrine de cochon cuite moelleuse sur lit de sapin, fricassée de potimarron/châtaigne/raisin/ chou chinois et accompagné d’un Pinot Noir Rubis 2013.
Le coup de coeur du repas…. un cochon cul noir cuit longuement en basse température donne à cette viande une saveur et un fondant juste incroyable, avec son accompagnement c’est un subtil équilibre entre sucrosité, rondeur, fraicheur relevé par la légère acidité de la sauce.
Le vin est à l’image du plat…. surprenant, il faut encore le laisser vieillir et il sera difficile aux amateurs de reconnaitre un Pinot Noir d’Alsace, tant sa couleur est profonde et en bouche une finesse persistante accentuée par des tanins d’une grande finesse.
Pour finir, un savarin rectangle/crème mascarpone au thym citron, pêche de vignes/ sorbet fromage blanc verveine accompagné d’un Gewurztraminer Grand Cru Pfersigberg 2011.
Un dessert tout en finesse où les arômes plutôt que de monter et s’affronter se fondent à merveille.
Le vin est un Gewurztraminer, le cépage qui s’exprime le mieux sur le Pfersigberg. Au nez c’est épicé, fruité ; en bouche c’est moelleux et malgré les 50 grammes de sucre résiduel vous avez une fin de bouche tout en fraicheur avec une belle acidité qui se prolonge.
Un restaurateur à part….
Jean-Christophe Perrin n’est pas un inconnu, nous le connaissons depuis longtemps et avions déjà eu le plaisir de le rencontrer lorsqu’il officiait au Caveau d’Eguisheim. A l’époque, une étoile à son tableau de chasse, nous trouvions sa cuisine moins joviale et explosive qu’aujourd’hui. Ce qui prouve une fois encore l’adage, ce n’est qu’avec les années que les bons vins s’expriment pleinement.
Aujourd’hui Jean-Christophe s’exprime et s’éclate (le terme n’est pas galvaudé) pleinement à Hattstatt dans son restaurant. L’Altévic est ouvert depuis décembre 2012 et il faut bien reconnaitre qu’extérieurement il ne paie pas de mine ; c’est un bâtiment simple et brut, mais une fois franchie la porte, vous débutez une expérience qui ne vous laissera pas de marbre. A l’intérieur vous êtes agréablement accueilli par la famille Perrin. Eh oui, Jean-Christophe aime évoluer au sein d’un cocon de proches, car en plus de son chef qui le suit depuis longtemps, il y a également une petite partie de sa famille.
Une fois déposées vos affaires à l’accueil, vous faites face à un vaste intérieur épuré où se mêle béton brut, sycomore, béton vitrifié, chêne massif et de larges baies vitrées.
Installé, vous vous rendez très vite compte que malgré l’absence de séparations, chaque emplacement fait office de coquille grâce à une très bonne insonorisation.
Vous ne pourrez pas passer à coté d’une curiosité qui fait d’ailleurs le charme de l’ensemble, c’est bien sûr les vitres qui enlacent la cuisine et qui la dévoilent intégralement aux curieux.
Alors, que dire de plus sur la cuisine de Jean-Christophe, qu’elle est bonne, inventive, de saison, goûteuse, qu’elle fait voyager, réalisée par un passionné….. Certes, mais c’est tellement convenu et facile. Alors faisons autrement. Jean-Christophe est un homme qui aime transmettre aux autres. Pour preuve, son engagement au sein du lycée Storck à Guebwiller où il enseigne depuis de nombreuses années. Jean-Christophe est un chef étoilé, récompensé depuis peu par un Bib Gourmand et pourtant rien n’est affiché lorsque vous allez à L’Altévic. Jean-Christophe apprécie pourtant la reconnaissance….. mais la vôtre !
Et pour finir….
Le repas fut une expérience axée sur un subtil équilibre d’un échange permanent entre le plat et le vin qui nous a obligé alternativement à jouer du bouchon et de la fourchette.
C’est grâce à des hôtes d’une grande qualité que l’on peut réussir un mariage aussi réussi, alors bravo à eux et à leur passion.
Le Restaurant L’Altévic
Le Domaine Pierre-Henri Ginglinger