À Ammerschwihr, le Domaine Étienne Simonis cultive bien plus que des vignes : il perpétue un savoir-faire familialenraciné depuis 1660, en s’autorisant l’audace d’un esprit libre. Rencontre avec un vigneron sincère, modeste et profondément habité par la terre.
Dans l’univers feutré des Grands Crus d’Alsace, Étienne Simonis détonne avec sa parole franche, teintée d’humour, et son parcours à contre-courant. .. “je suis Étienne Simonis, un seul prénom, c’est plus simple. Le domaine est dans la famille depuis 1660, et je l’ai repris en 1996. Je ne compte plus les années… presque 30 ans ? Ouf“.
Un domaine construit pierre après pierre
L’histoire du domaine Simonis, c’est celle d’un morcellement puis d’une reconstruction. Son père, après s’être éloigné de la cave familiale partagée avec son frère, s’installe dans le bas d’Ammerschwihr, en 1975, « avec deux hectares, c’est tout« . Étienne Simonis en héritera, puis développera l’exploitation pour atteindre sept hectares aujourd’hui, « sans ambition de grandeur« , mais avec une volonté claire : faire bon, pas gros. « À quoi bon faire 20 hectares si tu n’arrives pas à les valoriser ?«
Il produit aujourd’hui environ 35 000 bouteilles par an, hors crémant, avec quelque 25 cuvées, toutes singulières. Certaines sont éphémères, d’autres confidentielles, selon les caprices du millésime. « Je préfère déclasser une cuvée que sortir un Grand Cru médiocre« , affirme-t-il avec intégrité.
Un artisan de la terre, pas un gestionnaire de tableur
Étienne Simonis ne cache pas son rejet du modèle viticole industriel. « Aujourd’hui, même les indépendants ne sont plus vraiment indépendants : ils courent après les machines, les charges, les aides. C’est une course à l’armement. » Lui préfère une gestion humaine, artisanale, adaptée au rythme des saisons. « Travailler le sol, c’est du minute. Tu ne peux pas louer une charrue en Cuma et espérer qu’elle soit libre pile quand il faut. Le sol, il n’attend pas.«
Il possède trois tracteurs, non par luxe, mais parce que chaque machine répond à un usage précis. Et pour tout le reste, c’est lui qui s’y colle. Dans les vignes, à la cave, avec ses visiteurs : « On fait tout ici. On n’a pas une équipe pour le bureau, une autre pour les tournées. Alors oui, je passe peut-être 5 minutes de plus avec un client, mais c’est ça, le vrai boulot.«
L’œnotourisme, version Simonis
Depuis peu, le domaine propose des parcours œnotouristiques. Trois thèmes, trois vins. « On débute, tout doucement. C’est pour voir si nous, on est à l’aise. Et les gens peuvent goûter ce qu’ils veulent. Ce n’est pas figé. » Tout se fait au bouche-à-oreille, sans promotion, sans brochure. L’essentiel est ailleurs : dans l’échange, la sincérité et l’ouverture sur le monde du vin.
La biodynamie, une évidence née d’un hasard
Étienne Simonis n’a pas « choisi » la biodynamie comme une stratégie marketing. Elle s’est imposée à lui, presque par accident. Adolescent, il découvre les expérimentations d’un domaine ami. À 16 ans, il ne comprend pas tout, mais sent qu’il y a là quelque chose d’essentiel. En 1999, il se lance. « J’ai commencé par la biodynamie, pas par le bio. Le bio ne m’intéressait pas vraiment. Moi, ce qui m’importait, c’était la cohérence.«
La certification officielle viendra plus tard, en 2008. Par nécessité administrative, et pour pouvoir dire aux clients : « oui, c’est certifié« . Mais jamais comme argument commercial. « On ne l’a pas fait pour vendre plus. On ne l’a même pas annoncé. Juste, à un moment, il fallait bien que ce soit écrit noir sur blanc.«
Une vinification non-interventionniste née de… la fatigue
La philosophie d’Étienne s’étend aussi à la cave. Il raconte, presque gêné, “parfois, j’avais acheté les produits correcteurs, j’étais fatigué le soir, il faisait froid… Et je goûtais le vin, et je me disais : il est bon comme ça. Et le sachet restait sur l’étagère. C’est comme ça que j’ai arrêté d’ajouter des trucs. Par paresse, au début. Mais ensuite, par conviction.«
Cette approche non-interventionniste, presque instinctive, repose sur la confiance dans le raisin, dans le millésime, dans la fermentation naturelle. Elle ne rejette pas la technique, mais privilégie l’écoute. « Si le vin est bon, pourquoi y toucher ?«
L’éthique d’un vigneron libre
Pour Étienne Simonis, le vin est une responsabilité. « Respecter le sol, respecter la plante, respecter le bonhomme, respecter le consommateur. » Tout est là. Une forme d’humanisme rural, désarmant de simplicité. « La biodynamie, c’est comme mettre son slip le matin. Tu ne te poses pas la question. C’est normal.«
Le domaine Simonis, à Ammerschwihr, n’est pas une entreprise comme les autres. C’est une vigne qui parle, une cave qui respire l’intuition, un homme qui ne transige ni avec ses valeurs, ni avec son goût. À ceux qui cherchent l’authentique, le vrai, le vivant : la route vers le Domaine Étienne Simonis vous attend.