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Dans le cadre du 62ème congrès des Œnologues de France, se déroulant du 19 au 21 juin à Strasbourg, une journée technique dédiée aux « Terroirs et Avenir » s’est tenue ce jeudi 20 juin au Palais de la Musique et des Congrès. Cette journée, riche en interventions et en échanges, a réuni pas moins de 200 experts et des passionnés du secteur viticole pour discuter des enjeux actuels et futurs des terroirs viticoles.

Matinée de conférences et d’interventions

La matinée, animée par Jean Masson, directeur de l’INRAE de Colmar, a débuté par un accueil chaleureux et une présentation par Alain Schmitt et Jérôme Sciacchitano. Jean Masson a ensuite introduit les différents intervenants, ouvrant une série de conférences captivantes.

Gilles Flutet, responsable du service territoires et délimitation à l’INAO, a ouvert les débats avec une intervention sur « Terroirs et avenir : l’adaptation des indications géographiques ». Il a expliqué comment les indications géographiques doivent évoluer pour répondre aux défis climatiques et aux nouvelles exigences du marché.

Scott Simonin, enseignant-chercheur à l’école suisse d’œnologie de Changins, a ensuite exploré « La levure de Terroir a-t-elle vraiment un avenir ? », offrant une perspective innovante sur l’importance des levures indigènes dans l’œnologie moderne.

La matinée s’est poursuivie avec Nicolato Tommaso, directeur technique et œnologue au laboratoire EXCELL, qui a présenté « Delta C13: Une méthode d’analyse des stress hydriques ». Cette technique innovante permet une meilleure gestion des impacts du stress hydrique sur la vigne.

Cyril Zappellini, de l’INRAE de Dijon, a discuté de « L’impact des modes de production et des pratiques viticoles sur la qualité microbiologique des sols viticoles ». Il a souligné l’importance cruciale de la microbiologie du sol pour la qualité et la résilience des vignobles.

La résilience de la vigne face aux aléas climatiques a été le thème central de l’exposé de Yannick Mignot et Isabelle Kuntzmann, respectivement enseignante géologue vigneronne et coordinatrice agronome chez Vignes Vivantes. Leur présentation, « Le rôle central du sol et du sous-sol », a mis en avant l’importance de ces composantes dans l’adaptation des vignobles aux changements climatiques.

Enfin, Guillaume Arnold, ingénieur à l’INRAE de Colmar, a conclu la matinée avec une discussion sur « Quel levier d’adaptation par le matériel végétal ? ». Il a présenté différentes stratégies pour améliorer la résilience des vignes par la sélection et l’adaptation du matériel végétal.

Focus sur la résilience de la vigne face aux aléas climatiques, une exploration par Yannick Mignot

Lors de cette matinée technique, Yannick Mignot, enseignante et géologue vigneronne, a abordé un sujet d’une actualité brûlante : la résilience de la vigne face aux aléas climatiques. Intitulé « Le rôle central du sol et du sous-sol », son exposé a mis en lumière les défis que rencontrent les viticulteurs et les pistes pour stimuler l’adaptation de la vigne dans un contexte de changement climatique.

Les aléas climatiques, une menace croissante

Les épisodes de canicule, la sécheresse prolongée et les précipitations intenses posent de graves menaces pour les vignobles. Malgré cela, la vigne continue de croître dans des régions très sèches, ce qui invite à explorer les mécanismes d’adaptation de cette plante remarquable.

Équilibre aérien et souterrain

Selon Mignot, l’adaptation de la vigne à la chaleur et au stress hydrique repose sur un équilibre subtil entre les parties aériennes (responsables de la photosynthèse et de la transpiration) et les parties souterraines (qui assurent l’absorption de l’eau et des minéraux). Cet équilibre est dynamique et varie en fonction des conditions climatiques. La vigne peut s’adapter tant à court qu’à long terme en modifiant la proportion de ses parties aériennes et souterraines.

Défis et solutions

Un rééquilibrage nécessaire des parties aériennes pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques peut entraîner une réduction des rendements. L’irrigation, souvent perçue comme une solution pour maintenir la production, est cependant non durable écologiquement. Il est crucial d’accepter une adaptation du rendement et du style des vins en fonction du contexte climatique et géo-pédologique.

Importance du sol et du sous-sol

Yannick Mignot a souligné que la connaissance du sol et du sous-sol est essentielle mais souvent insuffisante. La roche-mère, par exemple, joue un rôle central dans la potentialité d’enracinement des vignes.

Cas pratiques en Alsace

En Alsace, divers types de roches-mères comme les granites, migmatites, gneiss, schistes et grès volcano-sédimentaires offrent des exemples concrets. Chaque type de roche présente des caractéristiques uniques influençant la rétention d’eau et la libération de minéraux, impactant ainsi la vigne différemment.

  • Granites, migmatites et gneiss : Riches en minéraux mais sujets au lessivage.
  • Schistes : Favorisent l’enracinement profond si leur orientation est correcte.
  • Grès volcano-sédimentaire : Roches dures mais fracturées, nécessitant un enracinement profond.
  • Grès vosgiens : Sols sableux et filtrants, avec une bonne microporosité.
  • Calcaires : Sols minces en surface mais avec des cavités karstiques en profondeur.
  • Marnes : Retiennent bien l’eau et sont très fertiles.
  • Lœss : Fertiles et avec une bonne rétention d’eau.
  • Alluvions de vallée : Sensibles aux variations de la nappe phréatique.

Vers une viticulture durable

La conférence a conclu que pour une viticulture durable, il est essentiel d’accompagner la vigne dans sa recherche d’adaptation à travers des pratiques viticoles ajustées. Cela inclut l’entretien des sols, l’ajustement du volume foliaire par rapport au volume racinaire et la densité de plantation. Une meilleure compréhension du sol et du sous-sol permettra de produire des vins qui, tout en s’éloignant peut-être de la typicité régionale du 20e siècle, répondraient aux exigences actuelles de durabilité.

Une nouvelle opportunité

Yannick Mignot a laissé l’audience avec une question ouverte : l’adaptation nécessaire face au changement climatique est-elle un risque ou une opportunité ? La réponse pourrait bien déterminer l’avenir de la viticulture, offrant une chance unique de pratiquer une viticulture véritablement durable tout en redéfinissant les caractéristiques des vins de demain.

Table ronde et déjeuner

La matinée s’est terminée par une table ronde interactive, où les congressistes ont pu poser leurs questions aux intervenants via l’application Slido. Cet échange fructueux a permis de clarifier de nombreux points abordés durant les présentations et de partager des perspectives diversifiées sur les sujets discutés.

Le déjeuner a été une véritable célébration des vins de Lorraine, avec une dégustation de Gris de Toul, Auxerrois, Pinot Noir et Vins Effervescents IGP Lorraine, mettant à l’honneur les richesses œnologiques de cette région.