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Le Domaine Kirrenbourg, jeune acteur du paysage viticole alsacien, est le théâtre de rencontres improbables et de trajectoires singulières. Marine et Samuel, deux passionnés, ont tous deux pris des chemins détournés avant de se retrouver à la tête de cette aventure.

Des boulangeries à l’œnologie

Marine, souriante et pleine de vie, évoque son passé avec un brin de nostalgie. « J’ai grandi dans une boulangerie, et ça a certainement formé mon palais et mon nez. » Dans ce cadre familial empreint de gourmandise, Marine s’éveille aux arômes et saveurs. Cependant, ce n’est qu’au détour d’un voyage en Écosse qu’elle prend conscience de ses capacités olfactives. « Lors d’une dégustation de whisky et de chocolat, j’ai réalisé que mon nez pouvait déceler des nuances que les autres ne percevaient pas. » Ce moment est un véritable déclic pour elle.

À l’époque, Marine travaille dans le marketing, sans parvenir à s’y épanouir. Elle décide alors de changer radicalementde trajectoire et se tourne vers la sommellerie. « J’ai repris mes études au CFA de Guebwiller, tout en travaillant au restaurant Alchémille. » Cependant, le monde de la restauration ne lui suffit pas non plus. Marine sent le besoin de se rapprocher de la terre et du vin, et un stage au Domaine Hurst marque le début de son immersion dans l’univers viticole.

Samuel, l’inattendu vigneron alsacien

À 45 ans, Samuel est un vigneron dont le parcours atypique reflète celui de Marine. Ancien sommelier, il n’avait jamais envisagé de devenir vigneron. « Je suis un néo-vigneron qui n’a rien à faire dans le vignoble alsacien, mais qui est resté là par amour du métier », plaisante-t-il. Il raconte son histoire avec humour, avouant parfois avoir du mal à y croire lui-même. « J’ai raconté mon parcours tellement de fois que je ne sais plus comment le résumer », s’amuse-t-il.

Son passage du service des vins à leur production n’était pas prémédité. Pourtant, il s’impose rapidement dans ce domaine exigeant, trouvant dans le vignoble un terrain propice à sa passion.

Une ambition commune pour l’Alsace

Les chemins de Marine et Samuel se croisent à nouveau au Domaine Kirrenbourg, un jeune domaine alsacien fondé par Marc Rinaldi, un entrepreneur passionné. Samuel, aujourd’hui pilier de l’équipe, est épaulé par Marine et d’autres membres investis. Ensemble, ils construisent une identité forte pour ce domaine récent, tout en relevant les défis que pose un domaine sans histoire ni tradition séculaire.

« Ce qui est compliqué, c’est qu’on est un domaine jeune. Sans héritage historique, on doit faire nos preuves, et plus vite que les autres », explique Samuel. Le domaine fait un pari audacieux : se positionner exclusivement sur les grands crus d’Alsace, un choix qui reflète les ambitions de Marc Rinaldi. « Marc voulait non seulement créer des vins qui lui plaisaient, mais aussi rendre à l’Alsace ce que cette région lui avait donné », précise Samuel.

L’Alsace est au cœur de leur démarche. Marine et Samuel s’accordent à dire que le défi principal réside dans la construction d’une notoriété à la hauteur des grands crus qu’ils produisent. « C’est un hommage à l’Alsace, une volonté de la hisser au rang des autres grandes régions viticoles françaises », ajoute Marine.

De Martin Schaetzel à Kirrenbourg

En rachetant l’ancienne maison Martin Schaetzel, le Domaine Kirrenbourg hérite d’un nom prestigieux. Pourtant, dès le départ, l’équipe sait que ce nom ne restera pas longtemps. « C’était un tremplin pour nous », confie Samuel. Toutefois, la philosophie et les pratiques viticoles du domaine ont évolué, tout comme ses vins. Marine se souvient : « Nos clients nous ont fait comprendre que ce que nous faisions n’était plus vraiment du Martin Schaetzel. » Les vignes avaient changé, tout comme les méthodes de vinification.

Trois ans après la création du domaine, le nom change pour devenir Domaine Kirrenbourg, une évolution naturelle motivée par l’identité nouvelle du vignoble. « Même les clients historiques ont compris ce changement. C’était normal pour eux que le domaine évolue », explique Samuel.

Malgré cette métamorphose, certaines traditions sont préservées, comme en témoigne la cuvée Mathieu, un Pinot Noiremblématique créé par Jean Schaetzel pour son fils. « C’est une cuvée que nous avons choisi de maintenir, car elle incarne un lien avec l’histoire du domaine », explique Samuel. Cette cuvée, issue d’un assemblage de terroirsgranitiques et calcaires, est le parfait équilibre entre passé et avenir.

L’intégration de contenants en grès pour l’élevage des rouges témoigne également de la modernité du domaine. Cette innovation reflète un équilibre entre tradition et modernité, un leitmotiv de l’équipe du Domaine Kirrenbourg.

Une petite équipe dédiée à un grand terroir

Le Domaine Kirrenbourg fonctionne avec une équipe réduite mais passionnée. Seulement six personnes travaillent à plein temps, dont deux spécifiquement dédiées à la vigne. Cette petite équipe montre une implication totale, où chacun porte plusieurs casquettes. « Le maître de chais travaille aussi dans les vignes », précise Samuel, soulignant l’esprit d’équipe qui règne au domaine.

Le travail exigeant du Grand Cru Schlossberg, vignoble en terrasses, demande une main-d’œuvre importante. « Nous faisons parfois appel à du personnel externe lors des périodes de pointe », admet Samuel. L’ensemble de l’équipe n’hésite pas à s’investir, chacun mettant la main à la pâte au besoin.

Le Domaine Kirrenbourg s’engage également dans une démarche en biodynamie. « Ce choix s’est imposé naturellement », explique Samuel. Le Schlossberg, terroir fragile et complexe, bénéficie de cette méthode respectueuse de la nature. La biodynamie permet aux vignes de renforcer leur système racinaire, ce qui les aide à mieux résister aux conditions climatiques difficiles.

Cette pratique répond aussi aux attentes croissantes des consommateurs, de plus en plus soucieux de l’impact environnemental des produits qu’ils consomment. « Nous voulons produire des vins qui reflètent fidèlement leur terroir, tout en préservant la terre pour les générations futures », insiste Marine.

Le choix du Riesling et du Pinot Noir

Sous l’impulsion de Marc Rinaldi, le domaine a choisi de recentrer sa production sur des cépages phares : le Riesling sec et le Pinot Noir. Marc, grand amateur de vins de Bourgogne, est tombé sous le charme du Pinot Noir alsacien. Quant au Riesling, il incarne l’essence même du terroir du Schlossberg, notamment sur ses parcelles les plus élevées.

Si ce recentrage a parfois suscité des débats, l’équipe a choisi de maintenir une certaine diversité de cépages pour répondre aux attentes de la clientèle historique. « Nous avons gardé le Pinot Blanc, le Sylvaner et le Muscat pour satisfaire nos clients fidèles », précise Samuel.

Le domaine applique une approche de vinification parcellaire, inspirée des pratiques bordelaises. « Chaque parcelle est vinifiée séparément, puis nous classons les vins en trois niveaux de qualité après dégustation », explique Samuel. Cette rigueur permet de garantir une qualité optimale à chaque millésime, tout en offrant une diversité de styles adaptée aux différents marchés.

Les vins sont ainsi divisés en trois cuvées distinctes : La Roche Granitique, l’entrée de gamme, axée sur la pureté du cépage Riesling ; une seconde cuvée plus axée sur la minéralité du Schlossberg ; et enfin, le Grand Cru Schlossberg, véritable expression du terroir.

Et demain ?

Après plus d’une décennie d’efforts, Marine et Samuel ne comptent pas s’arrêter là. « Nous voulons renforcer notre notoriété, notamment au niveau de la presse spécialisée », explique Marine. Le domaine prévoit également de développer sa présence à l’international, tout en maintenant des relations étroites avec ses clients historiques.

Pour Marine et Samuel, cette aventure ne fait que commencer. Si leur parcours a été marqué par des choix audacieux et des défis, leur engagement reste intact. « Nous avons encore beaucoup à apprendre, mais c’est ce qui rend cette aventure passionnante », conclut Marine, sourire aux lèvres.