À Dambach-la-Ville, au cœur du vignoble alsacien, Didier Pettermann cultive bien plus que de la vigne. Il cultive un héritage familial, une passion inébranlable pour la terre, et une vision ambitieuse pour l’avenir du vin d’Alsace. Vigneron, syndicaliste, président d’interprofession, élu régional : portrait d’un homme à l’énergie contagieuse et aux convictions enracinées.
Un héritage familial devenu vocation
Le Domaine Pettermann, c’est d’abord une histoire de famille et de transmission. Fondé en 1928 par le grand-père, repris en 1965 par le père, il est entre les mains de Didier Pettermann depuis 2004. Aujourd’hui, le domaine compte 25 hectares répartis sur dix villages viticoles, avec une production annuelle de 700 000 bouteilles. Une structure solide, qui emploie une douzaine de salariés et se distingue par la diversité de ses terroirs. Mais pour Didier Pettermann, l’essentiel ne se limite pas aux chiffres :
“Mon métier, c’est ce qui me fait vibrer chaque matin. Même si je suis souvent pris par d’autres responsabilités, je garde un lien quotidien avec mes équipes et mes vignes.“
Véritable amoureux de la terre, il compare la vigne à une compagne vivante, imprévisible, formatrice : “Chaque année, on croit avoir tout compris. Et puis un nouveau millésime arrive, et la nature nous rappelle notre petitesse.“
L’engagement, moteur du changement
Ce lien intime avec la terre n’a jamais empêché Didier Pettermann de regarder plus loin. C’est même sa frustration, en 2001, face à une décision syndicale régionale, qui l’a poussé à s’engager dans les instances professionnelles. Sur les conseils de son père,
“ne râle pas si tu ne t’investis pas“,
il rejoint d’abord le syndicat viticole local, avant de gravir rapidement les échelons : président du syndicat, responsable de la sous-région de Barr, vice-président de la Chambre d’agriculture du Bas-Rhin, président de l’interprofession des Vins d’Alsace de 2016 à 2021, et aujourd’hui, conseiller régional. Une trajectoire impressionnante, toujours guidée par le même moteur :
servir la collectivité, “si tu veux faire bouger les lignes, tu dois t’engager. Et quand tu as la chance d’avoir une voix au niveau national ou européen, il faut l’utiliser pour faire avancer les choses.“
Moderniser l’image des vins d’Alsace
Parmi ses plus grandes fiertés, Didier évoque avec enthousiasme le repositionnement du vin d’Alsace dans les circuits internationaux : présence à l’exposition universelle, lancement de Digitasting pendant la crise sanitaire, transformation de la communication autour du vin alsacien. Il se félicite aussi d’avoir été à l’origine du projet ambitieux de la Cité des Vins d’Alsace, encore en développement : “ce sera bien plus qu’un lieu de promotion. Ce sera une vitrine pour tout le territoire.“
Pour lui, l’interprofession est un formidable outil collectif, capable de porter des projets audacieux, à condition qu’on lui en donne les moyens et la vision : “il ne suffit pas d’être dans une structure, il faut l’incarner, lui donner une âme.“
Faire face aux défis économiques et climatiques
Mais l’heure est aussi au réalisme. Didier Pettermann ne cache pas son inquiétude face à des défis actuels majeurs. La viticulture alsacienne traverse une crise profonde, à la fois conjoncturelle et structurelle. Baisse de la consommation, déséquilibres économiques, pression sur les prix et les coûts de production : autant de menaces sur l’équilibre des exploitations.“La période où l’on vendait 1,2 million d’hectolitres est révolue. Il faut changer de modèle, créer de la valeur, se réinventer.“
Il dénonce la surdépendance au vrac, le poids excessif du prix des raisins sur le crémant, et appelle à une diversification intelligente des produits. Des pistes ? Des vins plus légers en alcool, une offre pensée pour les nouveaux modes de consommation (repas sur le pouce, street-food), des assemblages novateurs. Et pourquoi pas un “Prosecco alsacien“ ? “Il faut casser les codes, mais sans renier nos racines. Évoluer sans tout révolutionner.“
Un élu proche de la terre et tourné vers l’avenir
Ce pragmatisme, Didier Pettermann le met aussi au service de l’agriculture et de l’environnement au sein du Conseil régional. Il s’engage notamment pour l’adaptation des forêts au changement climatique, la simplification de l’installation pour les jeunes agriculteurs, ou encore le soutien aux transitions écologiques. Il insiste sur l’importance d’anticiper, “ce qu’on plante aujourd’hui dans les forêts, c’est pour nos enfants. C’est pareil pour nos vignes. Si on ne s’adapte pas, on court à la catastrophe.“
L’accélération du changement climatique impose selon lui une remise en question du calendrier des vendanges, des cépages cultivés, des pratiques viticoles. Il cite notamment la question cruciale de l’acidité des vins, qui tend à s’effondrer avec la hausse des températures, mettant en péril la typicité des vins d’Alsace.
Retrouver la fierté et mieux communiquer
Enfin, l’un des combats les plus constants de Didier Pettermann reste celui de la communication. À ses yeux, le vignoble alsacien souffre d’un déficit chronique de fierté, “on est trop techniques, trop modestes. On fait des choses incroyables… 40 % du vignoble en bio ou en conversion, pionniers en biodynamie… mais on ne le dit pas assez !“
Il déplore que les vignerons aient encore trop souvent à se justifier sur leurs prix, quand d’autres régions capitalisent sur leur image. Pour lui, l’enjeu est simple, “il faut redonner envie. Créer une marque forte. Faire du vin un acte de plaisir, de culture. Le vin, c’est un pan entier de notre identité française.“
Ce message, il le porte avec constance, que ce soit devant un ministre ou sur les réseaux sociaux, convaincu que la viticulture alsacienne a tout pour redevenir un modèle.
Un avenir enraciné dans l’ambition et l’adaptation
Pour Didier Pettermann, l’avenir de l’Alsace viticole passe par la capacité à se réinventer sans se renier, “Il ne faut pas faire table rase du passé, mais il faut ouvrir des portes. Le consommateur a changé. À nous d’évoluer, de créer, de nous adapter.“
Dans ses mots résonne un message d’espoir et de détermination. À l’image d’un vigneron qui, fort de ses racines et de son engagement, croit profondément que l’Alsace viticole peut écrire un avenir audacieux, respectueux et porteur de sens.