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Une journée technique signée Gresser Œnologie pour remettre la vie au cœur de la vigne

À Itterswiller, lors d’une journée technique organisée par Gresser Œnologie, Anne Oberlé a proposé une plongée passionnante dans le monde invisible des sols.
Sous le titre évocateur « Démystifier le fonctionnement organique des sols », la spécialiste a invité les vignerons à redécouvrir ce que la science et l’observation rappellent sans cesse : le sol n’est pas un simple support, mais un organisme vivant, au cœur de la fertilité et de la durabilité viticole. “La matière organique est au cœur du système.“ 

Le sol, un écosystème fragile mais vital

Sous chaque vigne s’anime une faune discrète mais essentielle : vers de terre, insectes, champignons, bactéries. Tous participent à la création d’une structure vivante qui permet au sol de respirer et d’absorber l’eau.
Les macropores créés par la faune assurent l’infiltration, tandis que les micropores retiennent l’eau et stabilisent la structure.
Mais tout repose sur un équilibre précaire. Sans matière organique, le sol s’effondre, s’érode, perd sa portance et sa fertilité. “Un orage de trente minutes peut emporter plusieurs siècles de formation naturelle.“

La stabilité structurale devient donc la première clé d’un sol sain : elle protège contre l’érosion, la battance et la dégradation physique.

La matière organique, moteur chimique et biologique

Au-delà de la structure, la matière organique joue un rôle central dans la fertilité chimique. Elle contient tous les éléments nutritifs nécessaires à la vigne, mais leur disponibilité dépend de la vie microbienne.
Ainsi, l’azote doit être libéré par la décomposition microbienne, tandis que le potassium est immédiatement disponible.
Cette interaction entre chimie et biologie illustre une vérité essentielle : un sol vivant libère les nutriments dont la vigne a besoin, au moment où elle en a besoin.

Le sol n’est pas qu’une réserve d’éléments : c’est un réacteur biologique en constante activité.

À l’origine de tout : la photosynthèse

Pour comprendre l’origine de la matière organique, Anne Oberlé remonte à la source : la photosynthèse.
L’eau, le dioxyde de carbone et la lumière solaire produisent les sucres qui formeront la base de toute vie.
Cellulose, hémicellulose et lignine composent la charpente de la matière organique. Ces molécules, plus ou moins complexes, se décomposent à des vitesses différentes : la cellulose se dégrade vite, la lignine beaucoup plus lentement. “La matière organique, c’est de l’énergie pure.“

Une tonne de paille ou de couvert végétal à l’hectare représente environ 4 000 kWh d’énergie : un véritable carburant biologique pour le sol et sa microfaune.

Du buffet au gîte : une image parlante du vivant

Pour expliquer ce mécanisme, la spécialiste utilise une métaphore efficace : la matière organique fraîche est le buffet, tandis que la matière organique liée est le gîte.
Les micro-organismes, véritables convives du sol, s’y nourrissent, respirent et transforment la matière en libérant du CO₂.
Ce processus, appelé minéralisation, traduit l’intensité de la vie biologique.

Une expérience d’incubation sur 91 jours a montré qu’un simple apport de matière organique stimule fortement cette activité. Dès la première semaine, le dégagement de CO₂ augmente : le sol s’anime, se nourrit, respire.
Chaque apport organique agit comme une recharge énergétique naturelle, essentielle au maintien de la fertilité.

Trois compartiments pour un équilibre durable

Le fonctionnement du sol repose sur trois compartiments interdépendants :

  • La matière organique libre, fraîche et riche en énergie ;
  • La matière organique liée, stable et persistante ;
  • La biomasse microbienne, vivante et réactive.

La matière libre nourrit la biomasse, qui produit du CO₂ et enrichit la matière liée. Ce cycle du carbone est le véritable moteur de la vie du sol.
Mais si les apports diminuent, les micro-organismes finissent par consommer la matière liée : le carbone stocké est déstocké, le capital organique s’épuise.
D’où la nécessité de maintenir des apports réguliers de matière organique, de limiter le travail du sol et de favoriser les couverts végétaux pour préserver cet équilibre.

Le sol, une banque de carbone à faire fructifier

Pour conclure, Anne Oberlé compare le sol à une banque vivante.
La matière organique liée représente le capital épargné, tandis que la biomasse microbienne est la carte bancaire : elle permet les échanges, fait circuler la richesse. “Avoir un capital, c’est bien, mais sans mouvement, il ne sert à rien.“

Un sol vivant, c’est un sol où circulent l’énergie, le carbone et les nutriments. Les flux sont la preuve de sa vitalité.
Chaque culture (vigne, prairie ou forêt) possède son propre équilibre : inutile de copier le modèle forestier, l’essentiel est de trouver la juste dynamique biologique du vignoble.
C’est cette capitalisation du carbone qui garantit la résilience du sol et la qualité du raisin.

Nourrir la terre pour qu’elle nourrisse la vigne

Cette journée technique orchestrée par Gresser Œnologie a remis en lumière une vérité simple : le sol est le véritable capital du vigneron.
Comprendre sa dynamique organique, c’est préserver la vie, assurer la fertilité et anticiper les défis climatiques. “Si nous savons nourrir notre sol, il saura nous le rendre.“

Entre rigueur scientifique et pédagogie vivante, Anne Oberlé a su faire redécouvrir aux vignerons cette ressource précieuse, trop souvent négligée : la vie du sol, fondement discret mais essentiel de chaque grand vin d’Alsace.