Situé au cœur de l’Alsace viticole, à Wettolsheim, le Domaine Jean-Paul Schaffhauser incarne une aventure familiale qui conjugue histoire, transition écologique et création de vins audacieux. Portée aujourd’hui par Catherine et Jean-Marc Schaffhauser ainsi que leur fils Antoine, cette maison alsacienne est l’exemple vivant d’un passage de témoin maîtrisé entre générations, où innovation rime avec passion.
Un héritage transmis, une histoire construite à la main
L’histoire du domaine commence avec Jean-Paul Schaffhauser, le beau-père de Catherine, qui décide en 1985 de mettre en bouteille sa propre production, jusqu’alors vendue en vrac au négoce. Un choix ambitieux à l’époque, mais commercialement porteur, qui pose les bases d’un avenir prometteur.
Dix ans plus tard, alors que Jean-Paul approche de la retraite, Catherine et son mari Jean-Marc quittent leur métier et leur région pour reprendre l’exploitation familiale. Une décision audacieuse, motivée par l’envie de préserver un savoir-faire et de développer une vision nouvelle. Dès leur arrivée en 1995, ils s’impliquent dans le développement de la vente directe, en misant sur un rapport qualité-prix attractif et une proximité renforcée avec la clientèle, notamment via le caveau.
“On vit sur place, donc on est toujours disponibles“, résume Catherine. Une disponibilité rare et précieuse qui a rapidement fidélisé une clientèle locale et associative.
Antoine, la nouvelle génération engagée dans le bio
En 2017, leur fils Antoine rejoint l’exploitation familiale après l’obtention de son BTS viticulture-œnologie. Très vite, il engage le domaine dans une conversion en agriculture biologique, amorcée après la vendange 2018. Trois années de transition plus tard, la première récolte bio voit le jour en 2022, et les bouteilles labellisées sont commercialisées depuis 2023.
Ce tournant s’accompagne d’une série de défis techniques et économiques. Le bio exige un temps de travail plus conséquent, des investissements lourds en matériel, et une maîtrise accrue des aléas climatiques.
“Le bio, c’est plus exigeant, mais c’est une conviction. C’est l’avenir pour les domaines de notre taille“, affirme Catherine avec force. Malgré une année 2021 particulièrement rude (certaines parcelles n’ont rien donné), l’engagement reste total. Antoine persévère, améliore ses techniques, et réussit à sauver la récolte 2024.
Deux structures pour mieux évoluer
Pour répondre aux exigences réglementaires du bio, le domaine a pris la décision de distinguer deux entités juridiques : Antoine gère sa propre exploitation certifiée bio, tandis que Jean-Marc poursuit en culture conventionnelle. Une SARL de négoce, existante depuis toujours, sert de plateforme de commercialisation commune. Cette solution permet une conversion progressive, tout en sécurisant économiquement les deux modèles.
Catherine regrette néanmoins une réglementation trop rigide, qui rend difficile une coexistence fluide entre bio et conventionnel sur une même structure. “Il faudrait que le consommateur puisse avoir confiance sans que cela nous impose de créer deux domaines“, souligne-t-elle.
Une nouvelle gamme, entre modernité et originalité
En parallèle de la démarche environnementale, Antoine impulse un renouveau stylistique avec une nouvelle gamme de vins, caractérisée par un habillage épuré, sobre et naturel. Il collabore avec une graphiste pour créer une identité visuelle plus contemporaine, à son image.
Mais le changement ne s’arrête pas à l’étiquette. Antoine expérimente des vins de caractère, loin des sentiers battus :
- Un Pinot Gris de macération, issu du lieu-dit Hoell à Osenbach, donne naissance à Nuance d’Enfer, un vin qui brouille les repères entre blanc et rosé. “Il faut accepter de se laisser surprendre“, dit Catherine.
- Un Riesling élevé en barrique d’acacia, inspiré d’une dégustation dans le Bordelais. Ce vin, avec son contraste entre fraîcheur et notes miellées, est désormais produit en trois barriques et connaît des ruptures de stock fréquentes.
- Un Gewurztraminer demi-sec, à l’aromatique épicée et longue en bouche, qui a su séduire au-delà de l’Alsace, notamment lors de salons.
“Les gens aiment ces produits originaux, qu’ils soient jeunes ou non“, constate Catherine. La gamme bio, qui continue de s’étoffer, rencontre un succès croissant.
Un caveau repensé pour demain
Le domaine ne s’arrête pas là. Un nouveau projet architectural est en cours : refonte complète du caveau, aménagement de la cour, réorganisation des bâtiments. Le permis de construire est déposé, et les travaux devraient débuter sous peu.
“Le caveau actuel était censé être provisoire, mais il a duré…“, sourit Catherine. Le futur bâtiment visera à être plus accueillant pour la clientèle, mais aussi plus fonctionnel pour la vinification et le stockage, qui ont considérablement augmenté ces dernières années.
Un domaine en mutation maîtrisée
Au travers du travail des Schaffhauser, on découvre une histoire de famille et de résilience, portée aujourd’hui par l’audace de la nouvelle génération. Le Domaine Jean-Paul Schaffhauser n’est pas seulement un producteur de vins alsaciens : c’est un laboratoire de tradition vivante, où l’on célèbre le terroir tout en l’interprétant avec modernité.
Entre engagement bio, créativité œnologique, et ambition architecturale, le domaine se prépare à affronter l’avenir avec sérénité, ancré dans ses valeurs humaines et agricoles.