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À Scherwiller, au cœur du vignoble alsacien, le Domaine Gilbert Ruhlmann & Fils conjugue tradition familiale et engagement environnemental. Rencontre avec Guy et Pascal Ruhlmann, deux vignerons lucides et passionnés.
Depuis 1958, le Domaine Gilbert Ruhlmann & Fils cultive la vigne avec une attention patiente et une conscience affirmée du terroir. Héritiers d’une tradition familiale portée par l’amour du vin et du sol, Guy et Pascal incarnent aujourd’hui la deuxième génération de ce domaine alsacien de 15 hectares. Face aux défis climatiques et aux attentes croissantes des consommateurs, ils ont choisi d’inscrire leurs pratiques dans une double démarche environnementale : Terra Vitis et HVE (Haute Valeur Environnementale).

Du bon sens paysan aux labels environnementaux

Ce n’est pas forcément un choix, c’est une continuité“, affirme Guy Ruhlmann. Pour eux, la véritable première certification reste l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) qui ancre le vin dans son terroir, ses cépages, son climatet ses pratiques culturales. Mais dès les années 1990, des préoccupations écologiques ont émergé, et les labels environnementaux ont commencé à apparaître.
Le domaine s’est engagé avec Terra Vitis, un label de viticulture durable fondé sur des pratiques respectueuses de l’environnement et du vivant. Pourtant, cette certification n’imposant que des obligations de moyens, elle leur semble vite insuffisante. “On voulait aller plus loin, justifier un résultat, pas seulement des intentions“, explique Pascal Ruhlmann. Ainsi, le passage à la certification HVE s’est imposé comme un prolongement naturel.

Le passage à Terra Vitis puis à HVE n’a pas bouleversé les méthodes du domaine. “Nous travaillions déjà sans désherbant chimique sur la plupart des rangs, avec un travail mécanique du sol et une gestion maîtrisée de l’enherbement“. La labellisation a essentiellement consisté à formaliser et documenter ce qui était déjà fait.
La certification HVE a introduit davantage de traçabilité, notamment le calcul des IFT (Indices de Fréquence de Traitement), mais sans modifier en profondeur les interventions au vignoble. “C’est surtout une reconnaissance, une preuve pour les consommateurs que notre engagement est réel« , souligne Guy Ruhlmann. Face à une clientèle de plus en plus sensible, cette transparence est devenue essentielle.

Bio, entre convictions et pragmatisme

Pourquoi ne pas aller jusqu’au label bio, voire en biodynamie ? Guy et Pascal n’éludent pas la question. “Beaucoup pensent qu’on est en bio… mais non. Et ce n’est pas parce qu’on n’en a pas les moyens. C’est une décision réfléchie“. Pour eux, le bio impose parfois une rigidité qui ne laisse pas la souplesse nécessaire pour protéger les récoltes lors d’années difficiles. L’exemple de 2021 et 2024, avec un printemps très pluvieux propice au mildiou, est parlant. “On a priorisé la récolte. Le vin, ce n’est pas le label, c’est le raisin“.
Ils soulignent également les risques économiques : pertes de récoltes, instabilité du vin, incertitudes climatiques… “Le vin bio à 25 hectolitres à l’hectare, c’est bien. Mais est-ce que c’est viable ? Est-ce que c’est pérenne ?

Ce qui anime les Ruhlmann, au fond, c’est un lien viscéral à la terre. Ils observent les sols, les plantes, la vie souterraine. Le dérèglement climatique les pousse à augmenter les couverts végétaux pour préserver l’humidité et enrichir les sols. “On voit une différence dans la structure du sol, dans la biodiversité“.
Ils se méfient aussi des effets de mode : “Aujourd’hui, on parle de bilan carbone, mais on oublie qu’un vignoble, c’est une culture pérenne. Ce n’est pas du maïs“. Pour eux, le travail bien fait ne se mesure pas uniquement en certificats, mais aussi dans la durabilité, la qualité des sols, la régularité des vins.

Vers un avenir familial et durable

L’avenir du domaine semble assuré : la relève familiale est déjà en cours. Le fils de Guy, passionné par la vigne depuis l’enfance, taille déjà avec eux. “Il a cette fibre agricole. C’est une chance“. Le domaine continuera donc dans cette voie : produire des vins de caractère, exprimant les cépages et le terroir, dans le respect de la terre et des hommes.
En somme, chez les Ruhlmann, l’environnement n’est pas un argument marketing : c’est un engagement sincère, enraciné dans leur histoire et leur éthique. Un vin d’Alsace authentique, façonné par la terre, le climat, et la main de l’homme.