
Dans la continuité des constats dressés lors de la première partie de la plénière organisée par le CIVA, le 10 juillet dernier à Colmar, la seconde moitié de l’événement s’est concentrée sur les stratégies concrètes à mettre en œuvre pour accompagner la transformation de la filière. Entre marketing repensé, projets structurants ambitieux et soutien institutionnel, les vins d’Alsace entendent plus que jamais affirmer leur place dans le paysage viticole français et international.
Le marketing au service de la relance
C’est Philippe Bouvet, directeur marketing du CIVA, qui a ouvert cette deuxième séquence en analysant les leviers d’action disponibles pour redynamiser l’image et la consommation du vin d’Alsace. Structurant son propos autour des 4P du marketing (Produit, Prix, Place (distribution), Promotion) il a mis en lumière les tensions entre héritage et modernité, et a appelé à une stratégie équilibrée entre respect des traditions et capacité d’innovation.
Sur le produit, Philippe Bouvet insiste : il faut innover sans dénaturer. Cela passe par la modernisation des packagings, la simplification des gammes et la valorisation de la typicité alsacienne, tout en intégrant les attentes des consommateurs contemporains : praticité, lisibilité, esthétisme. En matière de prix, le message est clair : il faut renforcer la valorisation. Trop de domaines vendent encore à perte, faute de pouvoir faire reconnaître la juste valeur de leur travail. Le défi est donc de créer un équilibre entre rentabilité et accessibilité, sans tomber dans une logique de volume à bas coût.
Sur le terrain de la distribution, la mutation est déjà à l’œuvre. L’essor de l’e-commerce, le développement des ventes directes, la diversification des canaux (magasins spécialisés, circuits courts) exigent une adaptabilité rapide. La filière doit se rendre visible et lisible partout où les consommateurs se trouvent. Enfin, la promotion doit monter en gamme : storytelling, réseaux sociaux, visuels professionnels, ton inspirant. Pour Philippe Bouvet, la marque Alsace doit se raconter, se projeter, s’ouvrir.

Une révélation attendue, la future “Cité des Vins d’Alsace“
Moment fort de la plénière : la présentation officielle du projet architectural de la future Cité des Vins d’Alsace. C’est Gilles Neusch, directeur du CIVA, qui a dévoilé les grandes lignes de ce projet d’envergure, pensé comme un centre d’expérience, d’innovation, de culture et de rayonnement. Bien plus qu’un site touristique, cette cité ambitionne d’être un outil stratégique pour la filière et un symbole d’identité pour le territoire.
Le projet est porté par une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), rassemblant autour du CIVA les institutions régionales (Région Grand Est, Collectivité européenne d’Alsace, Colmar Agglomération), les chambres consulaires et de nombreux acteurs privés, vignerons, partenaires associatifs et économiques. Cette gouvernance plurielle incarne une ambition partagée : faire de la cité un bien commun, au service de tous.
Un lieu entre histoire, nature et innovation
Le site retenu, situé à Kientzheim au contact de la Confrérie Saint-Étienne, possède une forte charge symbolique. Ancien domaine historique, il sera revalorisé par la déviation d’une route départementale et la reconstitution de jardins anciens. Le bâtiment principal, signé René-Pierre Ortiz (AEA Architectes), s’inspire des grandes fermes viticoles, avec une architecture sobre et durable (bois, pisé, matériaux biosourcés).
Le paysagiste Serge Grosse a conçu un parc reliant la futur cité au château de la Confrérie Saint-Étienne, créant une immersion paysagère complète. Ce lieu incarnera la rencontre entre passé et avenir, entre nature et culture, entre tradition et modernité.

Une expérience immersive et collaborative
La “Cité des Vins d’Alsace“ s’articulera autour de plusieurs pôles :
- Un espace muséographique immersif
- Une école des vins d’Alsace
- Un restaurant gastronomique avec rooftop
- Une vinothèque et une boutique
- Une cour centrale modulable pour événements
- Un espace scénographique souterrain
Tous les domaines alsaciens pourront y être représentés avec une ou deux cuvées, dans un esprit collaboratif et non concurrentiel. La scénographie, conçue par l’atelier FCS, visera une expérience sensorielle forte, plaçant le visiteur au cœur de l’émotion viticole.
Un chantier structuré pour une ouverture en 2029
Le projet, évalué à 28 millions d’euros, est financé par :
- 45 % de fonds publics (Région, Europe, collectivités)
- 30 % d’apports privés
- 14 % d’emprunt bancaire
Un fonds de dotation nommé 1563 Lazard de Schwendi accompagnera le mécénat et les initiatives culturelles.
Le calendrier est ambitieux :
- Phase 1 (2026–2028) : bâtiment principal et parkings
- Phase 2 (2028–2029) : parc du château et scénographie
L’ouverture au public est prévue pour Pâques 2029. La cité se veut un levier stratégique à long terme, affirmant l’identité d’un territoire résolument tourné vers l’avenir.

Transparence budgétaire et cap maintenu
Au-delà des projets, le bilan financier du CIVA, jugé rassurant, a démontré la capacité de l’interprofession à concilier ambition et rigueur. Malgré un contexte économique tendu, les investissements dans la recherche, la communicationet les projets structurants ont été maintenus. La transparence reste un axe central, garant de confiance et de cohésion.
Un soutien politique affirmé
En clôture de séance, Franck Leroy, président de la Région Grand Est, a salué l’énergie collective portée par le CIVA. Il a rappelé l’importance de soutenir la transition agroécologique, l’innovation territoriale, et la valorisation du patrimoine viticole. La Région continuera d’accompagner les grandes étapes du projet, avec une volonté forte : positionner l’Alsace parmi les régions viticoles les plus dynamiques d’Europe.
« L’Alsace est une terre de caractère, d’innovation et de passion. Elle mérite une viticulture à la hauteur de son histoire. »

Un cap affirmé, une énergie partagée
La plénière du CIVA s’est achevée dans une atmosphère conviviale, autour d’un moment de partage, de dialogue et d’un barbecue en plein air. Mais au-delà du symbole, cette plénière a marqué une étape décisive dans la refondation stratégique du vignoble alsacien.
Entre lucidité sur les enjeux, volonté d’innovation, et fierté collective, la viticulture alsacienne a montré qu’elle avançait unie, ambitieuse, et résolument tournée vers demain.