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L’Assemblée Générale de l’AVA (Association des Viticulteurs d’Alsace) s’est tenue hier après-midi à Colmar, réunissant les acteurs clés du secteur viticole régional. Cette réunion annuelle a été l’occasion de faire le point sur les défis et les opportunités qui se présentent aux producteurs alsaciens, tout en abordant des sujets cruciaux tels que la hiérarchisation des vins, les mesures transitoires et la construction de la nouvelle Maison des Vins d’Alsace.

Discours d’ouverture

Dès l’ouverture de la séance, le Président de l’AVA, Gilles Ehrhart, a pris la parole pour remercier les participants et a souligné l’importance de cette réunion pour la prise de décisions stratégiques. Soulignant le contexte économique difficile, il a néanmoins insisté sur la résilience de la filière et sur la nécessité d’adopter une approche pragmatique face aux défis à venir. Gilles Ehrhart a également rappelé l’importance de l’unité et de la solidarité entre les acteurs de la filière. « Nous devons être force de proposition, anticiper les évolutions du marché et défendre nos intérêts auprès des instances nationales et européennes », a-t-il déclaré, soulignant la nécessité d’un dialogue constant avec les décideurs politiques et économiques.

Bilan financier 2024

Le bilan financier de 2024 fait état d’un léger déficit de 29 694 euros, malgré des subventions supplémentaires et une hausse des taux d’intérêt sur les placements financiers. Si les ventes de marchandises continuent de reculer, le résultat d’exploitation, lui, s’améliore. Pour pallier ces pertes et assurer la stabilité de l’association, une augmentation des cotisations de 4 % a été proposée pour 2025 et approuvée à l’unanimité pour 2026. Par ailleurs, les réviseurs aux comptes ont certifié la régularité et la sincérité des comptes annuels, tandis que le Commissaire aux comptes a confirmé leur conformité aux normes comptables françaises, garantissant ainsi la transparence financière de l’AVA.

Analyse économique 2024

Manon Tijou, en charge des analyses économiques au CIVA, a présenté un bilan mitigé pour 2024. La production a atteint environ 902 000 hectolitres, mais la tendance des ventes montre une légère baisse des appellations traditionnelles comme le Riesling (-5 %) et le Pinot Gris (-5 %). En revanche, le Crémant d’Alsace tire son épingle du jeu avec une progression de +12 % à l’export. Les circuits de distribution restent dominés par la grande distribution (41 % des ventes) et l’export (26 %), tandis que les ventes directes et en restauration connaissent une contraction inquiétante. L’inflation et la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs ont également été évoquées comme des facteurs impactant les ventes. Une réflexion est en cours pour améliorer la stratégie de commercialisation des vins d’Alsace, notamment en diversifiant les circuits de distribution et en renforçant la présence sur les marchés étrangers.

Nouvelle Maison des Vins

La construction de la nouvelle Maison des Vins d’Alsace, située à Colmar, conçue pour être plus fonctionnelle et économique, sa construction progresse conformément au calendrier prévu et s’impose comme un projet stratégique pour la filière. Parallèlement, la vente de l’ancienne Maison des Vins au Centre Européen d’Études Japonaises d’Alsace (CEEJA), en vue de la création d’un musée européen du manga, a été officialisée avec une promesse de vente signée. Cette transaction permettra à l’AVA de réaliser des économies substantielles tout en offrant une nouvelle vitrine aux vins alsaciens. Malgré quelques interrogations sur le coût du projet, les responsables assurent une gestion budgétaire maîtrisée et défendent cet investissement comme essentiel à l’avenir du vignoble.

Hiérarchisation des vins d’Alsace

Un point important de l’ordre du jour concernait la hiérarchisation des vins d’Alsace a été un sujet de débat intense, avec de nombreuses interventions et interrogations des participants. La commission d’enquête de l’INAO a récemment validé un cadre évolutif permettant d’envisager l’instauration progressive d’une classification en “premier cru”, mais a aussi recommandé de créer une délimitation géographique complémentaire (DGC) pour les crus, tout en resserrant les critères de délimitation. De nombreuses voix se sont élevées pour exprimer des inquiétudes quant à l’impact de cette réforme sur l’identité des vins d’Alsace et sur la compréhension de cette hiérarchisation par le consommateur. Plusieurs viticulteurs ont pointé du doigt le modèle bourguignon comme une référence évidente, mais difficilement transposable en l’état. En effet, contrairement à la Bourgogne où les appellations communales sont bien établies, l’Alsace ne dispose pas d’un système similaire. « Pourquoi réinventer quelque chose alors que nous avons déjà un patrimoine et une typicité unique ? » s’est interrogé Pierre Gassmann. D’autres estiment qu’un passage direct à la mention « premier cru » sans phase intermédiaire pourrait être bénéfique, évitant ainsi une confusion chez les consommateurs. Cependant, l’INAO insiste sur la nécessité de suivre un processus graduel, ce qui signifie que les crus devront d’abord être reconnus avant de prétendre à une distinction supérieure. Plusieurs intervenants ont partagé leurs expériences et leurs attentes concernant la hiérarchisation. Certains ont mis en avant la nécessité de préserver les usages traditionnels tout en intégrant des critères modernes de qualité. D’autres ont insisté sur l’importance de la communication et de l’éducation des consommateurs pour les aider à comprendre les nouvelles appellations. « Nous devons expliquer clairement au consommateur ce que signifie chaque appellation », a déclaré Frédéric Schmitt. Mathieu Deiss a souligné : « Il est crucial de maintenir nos usages tout en s’adaptant aux exigences modernes. » La hiérarchisation des vins représente une opportunité majeure pour les producteurs alsaciens de se démarquer sur le marché mondial. Les discussions ont abouti à un consensus sur la nécessité de poursuivre les efforts de hiérarchisation tout en impliquant davantage les vignerons dans le processus. L’AVA s’est engagée à continuer de travailler en étroite collaboration avec l’INAO pour finaliser les critères de délimitation et promouvoir les nouvelles appellations. « Nous devons travailler ensemble pour que la hiérarchisation soit un succès », a conclu Jérôme Mader.

Discours de clôture

L’assemblée s’est clôturé avec le discours du Préfet du Haut-Rhin Thierry Queffélec, a livré un discours marquant, abordant avec humour et pragmatisme les enjeux administratifs, économiques et climatiques de l’Alsace. Soulignant la complexité de l’organisation administrative, il a ironisé : « L’État, dans sa capacité à simplifier, ne s’est pas simplifié », plaidant pour une modernisation des processus. Sur la viticulture, il a rappelé l’impératif d’adaptation face au changement climatique, notamment via l’irrigation et l’introduction de nouveaux cépages, tout en prévenant que « arracher un cépage, c’est comme brûler un livre ». Il a également insisté sur l’importance de l’ouverture aux marchés internationaux : « Vous vendrez des bouteilles pendant votre sommeil », illustrant la nécessité d’une stratégie commerciale adaptée. Conscient des bouleversements mondiaux, il a mis en garde contre les crises économiques et sanitaires, exhortant à l’agilité : « Le monde bouge, et nous devons le conquérir ». Concluant sur une note d’encouragement, il a affirmé que les acteurs locaux avaient « tout pour réussir : l’histoire, le savoir-faire et le temps », réaffirmant l’importance du dialogue entre l’État et les professionnels de la filière viticole alsacienne pour préparer l’avenir de la région.