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Le vendredi 5 décembre, la Confrérie Saint-Étienne a accueilli l’Afterwork Effervescence de l’Union des Œnologues de France – Région Alsace. Plus qu’un simple rendez-vous technique, l’événement s’est révélé être un véritable moment de respiration pour la filière viticole alsacienne. Dans une ambiance chaleureuse et professionnelle, vignerons, œnologues, responsables de caves et partenaires techniques ont partagé un même objectif : mieux comprendre, mieux maîtriser et mieux valoriser les vins effervescents.

Conçu comme un format agile, plus resserré qu’un congrès mais tout aussi dense, cet afterwork a permis de plonger au cœur de l’innovation sans jamais perdre de vue la réalité du terrain. Quatre interventions complémentaires ont structuré l’après-midi, avant de laisser place à une dégustation internationale de haut niveau.

Le remuage, de la pratique empirique à la précision technique

La première intervention a donné le ton de la soirée. Cyril Malet, pour Sofralab, a ouvert les échanges avec une présentation consacrée aux principes et aux points clés du remuage.

Longtemps considéré comme un simple geste mécanique (tourner, incliner, attendre) le remuage apparaît aujourd’hui comme un véritable levier de précision dans l’élaboration des vins effervescents. L’objectif reste immuable : conduire le dépôt de levures vers le col de la bouteille, sans troubler la limpidité du vin ni altérer sa structure.

Mais derrière ce principe simple se cache une mécanique complexe. Température de cave, nature du dépôt, géométrie de la bouteille, vitesse de rotation, angle d’inclinaison, durée du cycle : chaque paramètre influence le résultat.

La présentation a particulièrement marqué l’auditoire par l’ouverture de nouvelles perspectives, notamment autour de la possibilité de réaliser un remuage sans bentonite. Une pratique longtemps jugée indispensable, aujourd’hui remise en question par des retours d’expérience concrets.

Cette première séquence a posé les bases de l’après-midi : la qualité d’un effervescent ne relève pas du hasard, mais d’une maîtrise fine des gestes et des choix techniques.

Mannoprotéines et maîtrise du risque

La deuxième séquence a permis une double plongée dans la science et la prévention, à travers les interventions de Virginia Haberkorn (CDM Œnologie) et Jérôme Sciacchitano (Alimpex).

Avec Virginia Haberkorn, les projecteurs se sont portés sur les mannoprotéines, ces composés naturels issus des parois des levures. Leur rôle est aujourd’hui reconnu comme central dans la perception qualitative des vins effervescents.

Ces molécules influencent directement la finesse de la bulle, la stabilité de la mousse et l’expression aromatique du vin. En conditions concrètes, leur utilisation permet d’obtenir des bulles plus régulières, une mousse plus persistante et un équilibre en bouche renforcé.

Au-delà de la technique pure, cette présentation a rappelé que la qualité d’un vin effervescent se joue aussi dans sa capacité à offrir une expérience sensorielle élégante, cohérente et lisible.

Dans un second temps, Jérôme Sciacchitano a proposé une approche diamétralement complémentaire : celle de la gestion des risques. Là où les mannoprotéines subliment, l’hygiène sécurise.

Identification des zones sensibles, surveillance du matériel, maîtrise des dérives microbiologiques, intégration de pratiques responsables : la gestion du risque apparaît aujourd’hui comme une compétence stratégique. L’intervention a mis en lumière des méthodes innovantes d’analyse et de nettoyage, inscrites dans une démarche globale de qualité… et de responsabilité environnementale.

La liqueur d’expédition, la frontière subtile entre science et signature

Troisième temps fort de la soirée : l’intervention de Philippe Narcy pour IOC, consacrée à la liqueur d’expédition.

Sujet souvent entouré de mystère, la liqueur n’est pas qu’une simple solution sucrée. Elle constitue en réalité le dernier outil stylistique à la disposition du vinificateur au moment du dégorgement.

Différentes bases, différents sucres, différentes concentrations : chaque choix modifie l’équilibre final du vin. Derrière les grandes catégories réglementaires (brut nature, extra-brut, brut, demi-sec) se cachent des stratégies beaucoup plus fines.

Ce qui a marqué l’assistance, c’est cette idée forte : le dosage n’est pas un simple ajustement analytique, mais une véritable signature œnologique. Trop discret, il écrase la structure. Trop affirmé, il masque l’identité. Juste, il révèle.

Le bouchon, le dernier geste qui change tout

Dernière conférence avant la dégustation, l’intervention d’Alain Schmitt pour DIAM a permis de repositionner le bouchage comme un paramètre stratégique des vins effervescents.

Depuis l’époque de Dom Pérignon, le liège accompagne l’histoire de l’effervescence. Mais ce matériau noble est aussi complexe. Derrière sa capacité d’élasticité et d’étanchéité se cachent des enjeux majeurs : transfert d’oxygène, régularité, stabilité du vin dans le temps.

L’intervention a mis en lumière une idée forte : le bouchon est le dernier acte œnologique. C’est lui qui scelle des années de travail et qui conditionne, silencieusement, l’évolution du vin en bouteille.

À travers les évolutions technologiques récentes, le message était clair : le bouchage ne se subit plus, il se choisit, il se pense, il se pilote.

Les Sekts autrichiens, ouverture sensorielle et respiration finale

Pour clôturer la soirée, Aurore Jeudy a animé une dégustation de Sekts autrichiens, vins effervescents encore peu connus en Alsace mais riches d’enseignements.

Cette dernière séquence a permis de mettre en perspective ce qui venait d’être abordé :
la finesse de la bulle, la netteté aromatique, l’équilibre du dosage, la tenue de la mousse.

Au-delà de la dégustation, ce moment a agit comme une véritable respiration. En confrontant les pratiques, en ouvrant les horizons, il a rappelé que l’effervescence est un langage universel… aux accents multiples.

Un format pensé pour le terrain

Cet afterwork est né d’une volonté claire : prolonger l’énergie d’un grand congrès, sans en reproduire la lourdeur. Moins nombreux, plus proches, plus directs.

Un espace où la technique ne se surplombe pas, mais se partage.
Un lieu où la recherche rejoint la cave.
Un moment où la profession se retrouve, simplement, autour d’un même enthousiasme.

Au-delà des conférences, cette soirée a confirmé une chose : en Alsace, l’innovation ne se vit pas comme une injonction, mais comme une conversation.

Et c’est peut-être là que réside la véritable effervescence.