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Dans le centre de Colmar, au Domaine Karcher, Gilles Karcher incarne une génération de vignerons alsaciens qui ont fait du respect de la terre bien plus qu’un label ou d’une certification. Converti à l’agriculture biologique depuis 2018, le domaine défend une viticulture sincère, vivante, et de plus en plus connectée à l’essentiel. Rencontre avec un vigneron de terroir et de convictions.

« J’ai compris que ça n’avait plus de sens »

“Pourquoi choisir l’agriculture biologique ?” demande-t-on à Gilles Karcher, la réponse fuse du tac au tac “par volonté personnelle“. Il ne comprenait plus le principe de mettre des produits qui tuent le sol et la vigne, puis demander à la vigne de produire le meilleur. Le déclic est venu en 2018, en pleine sécheresse : deux hectares cultivés en bio depuis 2010 montrent une résilience étonnante face au manque d’eau. Une révélation pour ce vigneron ayant grandi au domaine familial et qui, plus jeune, utilisait le désherbage chimique. Ce constat devient moteur d’une transition intégrale.

Commencée en août 2018, la certification officielle en agriculture biologique est obtenue en 2021. Quatre années particulièrement exigeantes : 2019 et 2020 sont marquées par la sécheresse, 2021 et 2024 par une humidité destructrice. Mais Gilles Karcher en tire une grande fierté, “même si on a eu beaucoup de pertes, les vins 2021 sont superbes“
Cette conversion a eu un coût en matériel, en main-d’œuvre (vendanges désormais exclusivement manuelles) et en temps,  “mais le vin qu’on obtient est plus honnête, plus précis, plus vivant”.

Du sol à la cave, un retour à la nature

Au Domaine Karcher, le bio ne s’arrête pas à la vigne. Dans la cave aussi, les pratiques ont évolué. Fini les levures exogènes, place aux fermentations spontanées. Gilles Karcher limite au maximum les intrants, se contentant de bentonite et d’un soufre en baisse constante. “Je suis dans une réflexion pour en mettre de moins en moins.”
Et cela se ressent dans ses vins, “quand je les goûte, il y a ce mot : honnête. J’ai l’impression d’être dans le pied de vigne, dans les racines.”

Le travail du sol est au centre de la démarche. Là où le désherbage chimique avait compacté la terre, le bio a ramené la vie : vers de terre, mycélium, humidité conservée grâce aux paillages naturels. “Quand je donne un coup de pioche, je vois la différence. C’est devenu un sol vivant.
Pour Gilles Karcher, ce retour à la vie rend les vins plus stables, plus complexes, et surtout plus durables. “les vins bio ont une meilleure colonne vertébrale. Ils peuvent se garder très longtemps.

Nature et biodynamie… la suite logique ?

En 2022, Gilles Karcher franchit une nouvelle étape : deux cuvées sont vinifiées en vins nature. Sans intrants, sans levures ajoutées, les vins sont guidés par l’instinct et le vivant. “On prend le temps, on goûte, on observe. J’ai l’impression d’être un alchimiste.
Et déjà se profile la suite : la biodynamie. Une formation est prévue, les premières tisanes maisons aussi, “je veux cueillir moi-même les plantes dans la forêt. Faire les choses du début à la fin”. Pour lui, la biodynamie est une pratique culturelle, “on ne parle pas assez de cette dimension. C’est dommage de la réduire à un calendrier lunaire”.

Au-delà des pratiques agricoles, Gilles Karcher défend une vision humaine du métier. “Ce que je veux, c’est de l’humain. Avoir les mains sales, transpirer, et que ça en vaille la peine.
Pour lui, le vin n’est pas une recette figée, mais une adaptation perpétuelle au climat, à l’équipe, aux millésimes… “On est paysans, pas garagistes. On est là pour créer, pas pour reproduire.

Un vin meilleur ?

Quand on ne maltraite pas sa terre, on ne maltraite pas son vin. Et quelque part, ça te rend meilleur.Gilles Karcher résume ainsi sa philosophie. Une vision exigeante, sincère, et profondément enracinée dans la terre alsacienne.
Dans un monde viticole en quête de repères, le Domaine Karcher trace une voie précieuse : celle du respect, du goût, et du vivant.