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La viticulture, comme de nombreux secteurs agricoles, fait face à une pression croissante pour adopter des pratiques durables. En Alsace, région historiquement engagée dans la qualité et la singularité de ses vins, les labels environnementaux jouent un rôle clé dans cette transition agroécologique. Ces démarches répondent à une double exigence : environnementale, pour préserver les ressources naturelles et la biodiversité, et économique, pour répondre à une demande sociétale forte pour des produits respectueux de la nature.

Ce premier article décrit les grandes familles de certifications et labels environnementaux en Alsace. Il ouvre une série de quatre portraits consacrés à des domaines emblématiques de cette transition : le Domaine Ruhlmann à Scherwiller et son engagement pragmatique en HVE et Terra Vitis ; le Domaine Karcher à Colmar, pleinement engagé dans le bio et les vins nature ; et le Domaine Hurst à Turckheim, référence de la biodynamie alsacienne. Trois visages, trois histoires, une même volonté : produire un vin sincère, vivant, et en harmonie avec son terroir.

La Certification Haute Valeur Environnementale (HVE)

Créée en 2012 par le Ministère de l’Agriculture, la certification HVE s’est imposée comme un pilier de la politique agricole écologique française. Elle a été renforcée en 2023 pour éviter les dérives liées à des certifications de complaisance, en rendant obligatoires des indicateurs de performance mesurables et vérifiables. Son objectif est clair : accompagner les exploitations vers une réduction significative de leur impact environnemental.

En 2025, plus de 600 domaines viticoles alsaciens sont certifiés HVE, représentant environ 25 % de la surface viticole de la région. Cette progression rapide témoigne de l’engagement régional en faveur de la durabilité. Le CIVA (Comité Interprofessionnel des Vins d’Alsace) soutient activement cette démarche, en offrant des accompagnements techniques et financiers pour aider les exploitants à franchir le pas.

Les exploitants certifiés HVE mettent en place une palette de pratiques vertueuses : enherbement naturel, conservation des haies, recyclage des sarments, et gestion optimisée de l’eau. La réduction de l’usage des pesticidesest centrale, avec un recours préférentiel aux solutions biologiques ou de biocontrôle.

Les Vins Biologiques

Les vins biologiques sont soumis à un cahier des charges européen exigeant, qui proscrit l’emploi d’engrais chimiques de synthèse, d’herbicides et limite drastiquement les intrants en vinification. Les traitements doivent être d’origine naturelle, et la fertilité des sols est entretenue par des méthodes agroécologiques (compost, engrais verts, rotations).

En 2024, l’Alsace atteint 35 % de vignoble bio, un record national. Elle devance ainsi des régions comme la Provenceou la Vallée du Rhône. Cette percée s’explique par un tissu de vignerons historiquement engagés, souvent pionniers, et par une sensibilité forte du public local et touristique.

Le marché des vins biologiques continue de croître malgré un fléchissement du bio alimentaire général. Le vin résiste mieux grâce à la diversité des canaux de distribution : vente directe, caves coopératives, salons spécialisés, export. La valeur perçue du vin bio reste élevée, liée à une recherche de qualité gustative autant qu’éthique.

Les Vins Biodynamiques

Plus qu’une simple technique agricole, la biodynamie est une vision du monde où le vignoble est considéré comme un organisme vivant. Fondée sur les idées de Rudolf Steiner, elle fait appel à des pratiques spécifiques : emploi de préparations à base de silice, corne de bœuf, infusion de plantes, et calendrier lunaire pour tous les travaux de la vigne.

L’Alsace est un bastion de la biodynamie. Plus de 80 domaines sont aujourd’hui certifiés par Demeter ou Biodyvin. Ces vignerons innovent, cherchent des équilibres nouveaux et obtiennent des vins d’une grande pureté d’expression. Ils font école en France comme à l’étranger.

Les Vins Naturels

Le vin naturel n’est pas reconnu par la législation européenne. Il repose sur un principe de vinification sans intrants œnologiques et avec peu ou pas de sulfites ajoutés. Cette liberté soulève des interrogations mais aussi un intérêt grandissant de la part d’un public en quête d’authenticité.

Depuis 2020, le label « Vin Méthode Nature » tente de structurer ce mouvement. Il impose que les raisins soient bio, que la fermentation soit spontanée et que l’ajout de soufre soit minimal (30 mg/L max). Bien que ce label reste marginal, il gagne en notoriété et pourrait préfigurer une future reconnaissance officielle.

Les labels environnementaux en viticulture alsacienne sont devenus des références incontournables pour les professionnels comme pour les consommateurs. Ils permettent de dépasser les clivages entre tradition et innovation, en réconciliant respect du terroir, exigences climatiques et qualité gustative. L’Alsace se positionne en 2025 comme une région pilote de la viticulture durable, où les enjeux écologiques sont abordés avec rigueur, ambition et passion.

Dans les prochaines éditions, nous irons à la rencontre de celles et ceux qui, sur le terrain, donnent un visage concret à ces engagements : Guy et Pascal Ruhlmann à Scherwiller, Gilles Karcher au cœur de Colmar, et Samuel Tottoli à Turckheim. Trois domaines, trois itinéraires, trois visions d’une viticulture engagée à découvrir très prochainement.